
Couleurs pastel des façades, à dominante orangée, balcons en fer forgé, volets inclinés : on dirait l'Italie !
Photo : Henri Gay 2006
L’exposition est consacrée à deux mouvements : le futurisme (de 1909 à la fin des années 20) et le renouveau classique (de 1915 à l’entre-deux-guerres).
La première partie de l’exposition, dédiée donc au futurisme, est de loin la plus intéressante, qui va de la figuration cubiste jusqu’à l’abstraction géométrique. L’art veut alors rendre dans le tableau l’au-delà de l’image fixe : le mouvement, la vitesse, la conjonction de sons et d’images, la perception et le sentiment subjectifs. La peinture est remise en cause, mise en abyme : le tableau déborde sur son cadre, le cadre empiète sur le tableau et prend des formes fantaisistes pour participer à cet effet psychotrope de l’urbanisation et du développement des transports rapides (automobile, chemin de fer, …).
La seconde partie est dédiée au renouveau classique. En fait, ce renouveau oscille entre style primitif, presque art brut, et style classique ; entre couleur et dessin. Dans ce mouvement, c’est en fait le "réalisme magique", découlant de la "Metafisica" théorisée par Giorgio de Chirico, qui est le plus intéressant : comment une représentation réaliste d’un lieu sans ou avec homme (zone industrielle, scène d’intérieur), peut générer un état de mélancolie ou d’angoisse. Henri Rousseau ou René Magritte ne sont pas loin...
L’exposition s’achève sur la postérité de ce double mouvement, après la seconde guerre mondiale : avec Alberto Burri, Lucio Fontana et le très intéressant Piero Manzoni, dont les tableaux "Achrome", entièrement blancs, ne produisent une couleur et une forme que par les plissements du tissu, non sans évoquer Pierre Soulages.
Photo : reproduction de "Dinamismo di un automobile" (1913) de Luigi Russolo, issue du site irre.toscana.it.
L’exposition a pour but de présenter les productions de Magritte sur papier, en dehors des tableaux : il s'agit des gouaches, dessins, lettres et croquis. Néanmoins les œuvres pour la publicité sont rares et les œuvres sur papier sont dignes de tableaux : celles-ci sont simplement réalisées plus économiquement, plus rapidement, plus nomadiquement (peut-être). Dessin, tableau ou photo : il s’agit seulement pour Magritte de "mettre une réflexion en image", d’ "écrire la pensée", de "véhiculer une idée", selon les termes des organisateurs de l’exposition.
Magritte sur papier, c’est comme Magritte sur tableau, et toujours aussi stimulant à voir.
Ambiance vide et stylisée, nocturne souvent, angoissante de ce fait. Magritte n’est pas sans analogie avec Henri Rousseau. Ainsi, chez Magritte, la feuille d’arbre, stylisée comme celle du douanier, devient à son tour un arbre par ses nervures et le jeu de la métonymie.
J'avais vu l'importante rétrospective de ses tableaux à la Galerie nationale du Jeu de Paume le 31 mai 2003 : les expositions sur "Magritte et la photographie" et "Magritte Tout en papier" viennent donc compléter la connaissance de son œuvre.
Photo : issue du site cslaval.qc.ca.
Vendredi 16 juin 2006, je suis allé voir l’exposition de l’œuvre du douanier Rousseau (1844-1910), "Jungles à Paris", aux Galeries nationales du Grand Palais, du 15 mars au 19 juin 2006.
Sa représentation distanciée de la nature et de la vie sauvage témoigne des basculements en cours, entre ville et campagne, entre proche et lointain, entre primitif et civilisé. Les espèces à l’état sauvage disparaissent alors qu’elles sont au cœur de la ville, au zoo ou à l’exposition coloniale… Les "portraits-paysages" témoignent de ce rapport nouveau de l’homme à son environnement.
Les deux salles de jungles et le tableau intitulé "Surpris" (photo ci-dessus) qui ouvre l’exposition sont impressionnants par leur ampleur, la stylisation de la végétation et leur mise en scène. Dans "Surpris", le tigre est une sorte de griffon, d’animal de synthèse, aux pattes arrière de volatile et à la queue de reptile…
Photo : reproduction du tableau "Surpris", 1891, issue du site museedesenfants.ecolint.ch.
"Netherlands now" expose la photographie néerlandaise à travers 25 photographes, portraits et paysages essentiellement.
Johan van der Keuken, "Photographie et cinéma", fut pour moi une vrai découverte. En attendant de découvrir son cinéma, les expériences variées de Keuken pour rendre le mouvement et le temps en photographie sont imaginatives et suscitent la réflexion : séries de photographies avec cadrage fixe ou avec changement de cadre, surimpressions ("multicouches") pour rendre le foisonnement de la ville de Jaipur (Inde)…
Mais c’est d’abord pour "Magritte et la photographie" que je me suis déplacé. La photographie permet à René Magritte (1898-1967) de mettre encore plus en abyme ses tableaux ou permet de faire comme un tableau en y mettant en scène des personnes, lui-même ou son épouse Georgette. Avec le "reportage" que lui consacre le photographe américain Duane Michals, la mise en abyme est poussée plus avant par les jeux de reflet et de surimpression : Magritte dans sa maison et parmi ses tableaux disparaît ou se dédouble…
"dans l’image il n’y a "paysage" que si formes et lumières, et ce qu’on peut aussi pressentir de matières, entrent en composition. [...] "le sujet réel du photographe, qu’il offre à voir, est d’abord l’action de prélèvement, l’affirmation d’un choix parmi les surfaces représentables, puis – à l’intérieur du carré ou rectangle – la désignation d’un ensemble de lignes et de masses, de lumières et d’ombres dont la géométrie ne saurait être abstraite puisqu’elle est supportée par une matière qu’on sait éminemment concrète."
"Loin des naïvetés du reportage comme de celles de l'esthétisme, de la performance descriptive comme de l'habileté plastique", écrit aussi Bernard Latarjet. Le propos de ces différents textes est de montrer que Verley serait au point juste en photographie purement descriptive, documentaire, et photographie purement esthétique, formaliste, coupée du réel, du territoire, de la matière. Si les photos de Verley ne sont pas exemptes d'un certain formalisme, je me joins néanmoins à ces analyses, ne serait-ce que pour refuser que la photographie ne soit qu'un outil documentaire qui ne pourrait trouver son autonomie que dans une nouvelle allégeance : celle de l'art contemporain, comme le soutient André Rouillé.
Photo : Olivier Verley, "Miroir d'un jour. Plateau d'Auvers sur Oise, le 12 septembre 1999 à 19 heures.", issue du site enviedart.com.
Dimanche 19 mars 2006, je suis allé voir en famille l'exposition rétrospective de l’œuvre de "Camille Claudel 1864-1943" au Musée Marmottan à Paris du 5 octobre 2005 au 31 mars 2006.
C'est surtout pour mes enfants que nous sommes revenus voir une œuvre dont j’avais déjà vu une importante rétrospective le 24 février 1996 à Aulnay-sous-Bois, au moment de notre installation en région parisienne ("Camille Claudel : Le miroir et la nuit", à l'Hôtel de ville d’Aulnay-sous-Bois, du 10 janvier au 25 février 1996, qui avait donné lieu à un important catalogue).
Mouvement, torsion, déséquilibre du corps, légère disproportion des membres (pour signifier le point de vue et accentuer le mouvement), stylisation et idéalisation, évanescence des formes, précarité, disparition : l’œuvre sculpté de Camille Claudel inspire toujours autant.
Il y a dix ans, j’écrivais ainsi : "L’œuvre de Camille Claudel fait jouer 3 stades chronologiques : l'informe (le chaos originel, l'indéfini, l'inachevé qui subsiste dans le forme), le forme (la forme pure, résultat d'une genèse), le diforme (la forme déformée, résultat de la vie d'une forme)." L’informe est surtout présent dans le socle de la sculpture, souvent brut et évoquant des formes naturelles (rocher, …). Cela me fait ici regretter de n’avoir pas eu le temps d’aller voir l’exposition "La sculpture dans l'espace" dans le nouvel espace d’exposition temporaire du Musée Rodin à Paris (du 17 novembre 2005 au 26 février 2006).
Dans le cycle formation - maturité - déchéance que traite l'oeuvre de Camille Claudel (et dieu sait si sa déchéance fut précoce…), le brut est donc plutôt en bas et le forme qui s’en extrait, au-dessus ; mais le brut peut aussi venir du dessus comme dans La Vague. Le brut peut aussi être à côté, comme dans la série des Causeuses, où les personnages semblent sortir du bloc de matière, qui subsiste à côté d'eux.
De ce mouvement d’extraction de la forme hors du chaos, La Valse (1895, photo ci-dessus) est l’œuvre emblématique. L’exposition y consacre une salle entière et en présente huit exemplaires.
Mais la surprise vint plutôt de la collection de tableaux de Claude Monet (1840-1926) exposée en permanence par le Musée Marmottan. Je découvris physiquement cette fameuse salle blanche, vue dans différents documentaires audiovisuels, contenant une belle série d’œuvres de l’artiste : nous vîmes ainsi, ébahis, la fameuse « Impression, soleil levant », « Le Pont de l’Europe. Gare Saint-Lazare », une « Cathédrale de Rouen. Effets de soleil. Fin de journée », « Londres. Le Parlement. Reflets sur la Tamise » et toute une série de tableaux de Giverny (pont japonais, nymphéas, …). Mais j’eus plaisir aussi à découvrir « Sur la plage à Trouville ».
Photo : issue du site exporevue.com