In extremis comme souvent, le cycle d'expositions de septembre-octobre 2015 lui a révélé le 30/10 une belle oeuvre, quoique à tendance plasticienne : celle de Yohann Gozard.
Ce photographe s'est consacré à la photographie de paysage nocturne. Comme chez Pierre Soulages (le "noir-lumière"), le noir n'est jamais tout à fait noir, tout à fait néant :
- Soit le noir est à première vue profond, et alors, si le visiteur de l'expo veut bien regarder, il découvre des détails qui lui apparaissent lentement, comme dans l'expérience que l'on peut faire d'une véritable nuit, faisant ainsi du spectateur une sorte d'égal du créateur, qui, lui, fait apparaître les objets qui l'intéressent en "appliquant" dans l'espace photographié un éclairage supplémentaire. C'est par cette technique que cette photographie s'apparente à la peinture et à un mode d'expression "propre" en estompant les formes et les couleurs disharmoniques dans ces paysages de relégation plutôt "sales" (comme Gilles Deleuze disait que l'écrit est propre, à la différence de l'oral qui est sale, impur).
- Soit, avec des temps d'exposition très longs (jusqu'à environ 45 mn ! pour une des photos exposées), le noir peut même être pleine lumière, donnant des ambiances irréelles, troublantes, lunaires. Si l'on ajoute à cela que les lieux photographiés ne sont pas indiqués dans (ou avec) les titres des œuvres et que les objets de ces vues sont des non-lieux (cf. Marc Augé), ces œuvres brouillent les fondements et les frontières les plus élémentaires : jour / nuit ? Terre / Lune ? Campagne / ville ? Incendie, volcan, explosion ? En d'autres termes, phénomène naturel ou technologique ?
Cette exposition et plus largement l'oeuvre dont elle est une manifestation marquent ainsi par leur effet d'ambiance générale, leur cohérence et leur effet à la fois sensoriel, intellectuel et moral.
1 commentaire:
Enregistrer un commentaire